Cinquième Dimanche de Carême

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Arbre mort

Cerisier en fleur

En ce matin de printemps, l’allégresse était dans le champ. 

Le cerisier avait mis son habit de fête et chantait un hymne à la création…

« Je suis le ressuscité, disait-il, hier mort, aujourd’hui vivant ».

Près de lui l’arbre mort se taisait.

 

« Juste bon à brûler », avait dit le paysan.

Et pourtant l’arbre mort pensait que lui aussi, pendant

des années, avait porté fièrement ses bourgeons, ses fleurs

et ses fruits. C’était même sa raison d’être ; tout le monde l’appréciait

et l’aimait pour cela ! Maintenant, la loi inexorable de la nature l’avait

frappé ; la sève ne montait plus dans ses branches et plus jamais 

ses bourgeons n’éclateraient ! En lui résonnaient ces mots qui lui faisaient mal :

« Juste bon à brûler ».

 

Mort ! Mais était-il vraiment mort ? D’énormes énergies inemployées restaient

encore en lui. Dans l’écorce grise et noire, un bois tout rose et résineux cachait

des richesses que nulle vie n’avait épuisées ; somnolaient des possibilité

qu’aucun appel n’avait éveillées.

 

L’arbre mort se sentait prêt à  « autre chose ».

Mais qui donc pouvait l’aider à se réveiller ?

Mais qui donc pourrait faire ce miracle ?

Laissé à lui-même, selon l’ordre de la nature, il tomberait

en pourriture.

En ce matin de printemps, le désespoir rongeait le cœur de l’arbre mort.

Alors il y eut un souffle.

Un souffle chaud, un souffle brûlant, comme celui qui embrase et fait éclater

comme une torche vivante les arbres dans une forêt en feu. Il y eu un souffle

d’amour qui éveilla en l’arbre mort les forces insoupçonnées que jamais

personne n’avait découvertes. Un souffle qui mit en feu et transforma en lumière 

tout ce qui s’était amassé en lui depuis des années et des années.

 

L’arbre mort devenait feu lui-même, devenait buisson ardent.

Mais par la puissance de celui qui est Feu, l’arbre ne se consumait pas (Exode 3, 2-3).

 

Plus il donnait de chaleur, de lumière, plus il en recevait

Des hommes passèrent. Ils admiraient l’arbre en fleurs mais ne s’en étonnaient pas.

C’est naturel, un arbre fleuri au printemps ; naturel en automne, l’arbre qui donne

ses fruits.

 

Mais les hommes qui passaient, s’approchaient avec étonnement

de l’arbre ardent. Ils s’interrogeaient et s’émerveillaient devant ce qui le faisait

brûler ainsi. Aussi ils en firent leur lumière pour la nuit, leur foyer de chaleur

pour les jours de froid.

L’arbre mort, pour eux, devenait signe d’espérance.

 

Les hommes passent. Ils admirent les « honnêtes hommes ».

Mais pourquoi s’en étonneraient-ils ? C’est le signe du bon fonctionnement de

la nature. L’étonnant, le merveilleux, ce sont en fait ces hommes rabougris par

leur égoïsme, desséchés et  « comme » morts par le péché, qui sont brutalement

ou peu à peu touchés par l’esprit brûlant du Ressuscité. Ils deviennent alors

signe d’espérance ; car en eux se devine et se révèle l’action de Celui qui est venu

nous dire : « Tout est désormais possible » ; « Il n’y a plus mort, ni échec »…

Arbres morts, nous le sommes. Buissons ardents, nous pouvons le devenir.

Nicolas Chaperon (1612 – 1656) – Le Buisson Ardent

(gravé d’après Santi Raffaello, dit Raphaël – Musée du Louvre – Paris) 

François ARNOLD
Pierre-Philippe BAYART
Robert RIBER
Charles SINGER
Fritz WESTPHAL